Contre le lieu-commun qu'entretiennent aussi bien la direction du parti communiste que les " ex ", ce livre établit d'abord que l'essentiel des intellectuels dont les oeuvres dominèrent l'après-guerre n'étaient pas communistes. Quelques grandes figures, Picasso ou Joliot-Curie, que la direction met sans cesse en avant, avaient déjà construit leur oeuvre en première personne. Quant à la production que la direction a encouragée, celle des intellectuels-de-parti, par exemple la peinture et le roman réalistes-socialistes, elle ne put jamais s'imposer en dehors des cercles du parti en raison de son caractère de propagande. Cet " art " satisfaisait trop bien à la recommandation de Jdanov: " l'art doit être tendancieux ". Plus qu'à la caution apportée par quelques " grands " intellectuels, et plus qu'à leurs silences, on s'est attaché à analyser ici les productions " artistiques " et " scientifiques " des intellectuels-de-parti et les conditions de cette production. Les caractéristiques, les dispositions et la trajectoire de ces intellectuels les rattachent à cette intelligentsia paria dont Max Weber a montré le rôle dans les Eglises. Renonçant à l'autonomie propre aux intellectuels professionnels pour se mettre " au service de la classe ouvrière ", ils se transforment en rhéteurs, prêts à toutes les " tâches " que leur désigne la direction du parti: " théoriser " l'existence d'une science prolétarienne opposée à la science bourgeoise, ou approuver l'arrestation des " Blouses blanches ", médecins accusés par Staline de comploter l'assassinat de dirigeants soviétiques. Pour rendre intelligibles des oeuvres et des conduites que Sartre se contenta de qualifier de monstrueuses, il a fallu accomplir un va-et-vient entre les productions de l'époque et ceux qui les ont produites ou les ont contrôlées. L'enquête, menée au long de cinq années, s'appuyant sur une mémoire involontaire des acteurs, a permis d'aller bien au-delà de ce que les écrits, utilisant la mémoire volontaire, prétendent imposer et, plus encore, au-delà de la façade monolithique présentée alors par le parti communiste. J.V.-L. L'auteur, chargée de recherche au C.N.R.S., envisage ce livre comme la première étape d'une recherche qui, ne se limitant pas au rôle des intellectuels du parti communiste français, analyse celui de certaines fractions de l'intelligentsia dans des conjonctures d'exception: ici, l'après-Seconde Guerre mondiale, mais aussi, par exemple, le déclin de la République de Weimar.
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Contre le lieu-commun qu'entretiennent aussi bien la direction du parti communiste que les " ex ", ce livre établit d'abord que l'essentiel des intellectuels dont les oeuvres dominèrent l'après-guerre n'étaient pas communistes. Quelques grandes figures, Picasso ou Joliot-Curie, que la direction met sans cesse en avant, avaient déjà construit leur oeuvre en première personne. Quant à la production que la direction a encouragée, celle des intellectuels-de-parti, par exemple la peinture et le roman réalistes-socialistes, elle ne put jamais s'imposer en dehors des cercles du parti en raison de son caractère de propagande. Cet " art " satisfaisait trop bien à la recommandation de Jdanov: " l'art doit être tendancieux ". Plus qu'à la caution apportée par quelques " grands " intellectuels, et plus qu'à leurs silences, on s'est attaché à analyser ici les productions " artistiques " et " scientifiques " des intellectuels-de-parti et les conditions de cette production. Les caractéristiques, les dispositions et la trajectoire de ces intellectuels les rattachent à cette intelligentsia paria dont Max Weber a montré le rôle dans les Eglises. Renonçant à l'autonomie propre aux intellectuels professionnels pour se mettre " au service de la classe ouvrière ", ils se transforment en rhéteurs, prêts à toutes les " tâches " que leur désigne la direction du parti: " théoriser " l'existence d'une science prolétarienne opposée à la science bourgeoise, ou approuver l'arrestation des " Blouses blanches ", médecins accusés par Staline de comploter l'assassinat de dirigeants soviétiques. Pour rendre intelligibles des oeuvres et des conduites que Sartre se contenta de qualifier de monstrueuses, il a fallu accomplir un va-et-vient entre les productions de l'époque et ceux qui les ont produites ou les ont contrôlées. L'enquête, menée au long de cinq années, s'appuyant sur une mémoire involontaire des acteurs, a permis d'aller bien au-delà de ce que les écrits, utilisant la mémoire volontaire, prétendent imposer et, plus encore, au-delà de la façade monolithique présentée alors par le parti communiste. J.V.-L. L'auteur, chargée de recherche au C.N.R.S., envisage ce livre comme la première étape d'une recherche qui, ne se limitant pas au rôle des intellectuels du parti communiste français, analyse celui de certaines fractions de l'intelligentsia dans des conjonctures d'exception: ici, l'après-Seconde Guerre mondiale, mais aussi, par exemple, le déclin de la République de Weimar.
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