Louise Bourgeois, née à Paris en 1911, s'établit à New York en 1938. Lorsque son oeuvre émerge, en 1982, à la faveur d'une exposition au Musée d'art moderne de New York, elle fait encore figure, à soixante-dix ans, d'excentrique qu'on ne prend pas vraiment au sérieux. Vingt-huit ans plus tard, après des rétrospectives dans tous les grands musées du monde, c'est une star qui s'éteint.
Moi, Eugénie Grandet, exposition qu'elle a conçue spécialement pour la Maison de Balzac à Paris, est son ultime projet, elle y aura travaillé jusqu'à ses derniers jours.
Jean Frémon a présenté, en 1985, la première exposition de Louise Bourgeois à Paris. L'artiste est alors quasi inconnue en Europe. En 2005, il réunit dans Gloire des formes (P.O.L) des essais sur l'art ; Louise Bourgeois y a sa place. Dans Louise Bourgeois femme maison (L'Échoppe), il trace une sorte de chronique intimiste de l'oeuvre de cette artiste hors norme. Quelques mois avant sa mort, Louise Bourgeois illustre de cinq dessins étonnants un conte de Jean Frémon (Naissance, Fata Morgana) et lui demande de présenter l'exposition Moi, Eugénie Grandet.
Entre 2007 et 2010, dans ce qui devait être un ultime retour vers le travail de la broderie et du tissage qui avait été le sien dans sa jeunesse, Louise Bourgeois imagina seize petits panneaux en hommage à la pâle héroïne de Balzac. Torchons et mouchoirs, parfois élimés, pliés dans les armoires depuis son départ aux États-Unis en 1938, agrémentés de perles, de boutons, d'épingles, de fleurs, de tissus, de strass, reliquaires évoquant le temps qui passe, la minutie des herbiers et l'humilité des ouvrages de dames.
L'écho entre mythe littéraire et légende familiale - source d'inspiration essentielle de l'art de Louise Bourgeois - s'impose d'évidence, comme le souligne Jean Frémon, qui fut un familier de l'artiste, dans son essai introductif. Père froid et distant, mère effacée, fille sacrifiée : Eugénie Grandet est aux yeux de l'artiste «le prototype de la femme qui ne s'est pas réalisée. Elle est dans l'indisponibilité de s'épanouir (...), prisonnière de son père qui avait besoin d'une bonne. Son destin est celui d'une femme qui n'a jamais l'occasion d'être une femme».
Faussement désuètes, parodiquement appliquées, subtilement ironiques, ces seize compositions qui évoquent la solitude, le vieillissement, la frustration, l'effacement offrent aussi une célébration de la patience féminine, dans tous les sens de l'expression.
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Louise Bourgeois, née à Paris en 1911, s'établit à New York en 1938. Lorsque son oeuvre émerge, en 1982, à la faveur d'une exposition au Musée d'art moderne de New York, elle fait encore figure, à soixante-dix ans, d'excentrique qu'on ne prend pas vraiment au sérieux. Vingt-huit ans plus tard, après des rétrospectives dans tous les grands musées du monde, c'est une star qui s'éteint.
Moi, Eugénie Grandet, exposition qu'elle a conçue spécialement pour la Maison de Balzac à Paris, est son ultime projet, elle y aura travaillé jusqu'à ses derniers jours.
Jean Frémon a présenté, en 1985, la première exposition de Louise Bourgeois à Paris. L'artiste est alors quasi inconnue en Europe. En 2005, il réunit dans Gloire des formes (P.O.L) des essais sur l'art ; Louise Bourgeois y a sa place. Dans Louise Bourgeois femme maison (L'Échoppe), il trace une sorte de chronique intimiste de l'oeuvre de cette artiste hors norme. Quelques mois avant sa mort, Louise Bourgeois illustre de cinq dessins étonnants un conte de Jean Frémon (Naissance, Fata Morgana) et lui demande de présenter l'exposition Moi, Eugénie Grandet.
Entre 2007 et 2010, dans ce qui devait être un ultime retour vers le travail de la broderie et du tissage qui avait été le sien dans sa jeunesse, Louise Bourgeois imagina seize petits panneaux en hommage à la pâle héroïne de Balzac. Torchons et mouchoirs, parfois élimés, pliés dans les armoires depuis son départ aux États-Unis en 1938, agrémentés de perles, de boutons, d'épingles, de fleurs, de tissus, de strass, reliquaires évoquant le temps qui passe, la minutie des herbiers et l'humilité des ouvrages de dames.
L'écho entre mythe littéraire et légende familiale - source d'inspiration essentielle de l'art de Louise Bourgeois - s'impose d'évidence, comme le souligne Jean Frémon, qui fut un familier de l'artiste, dans son essai introductif. Père froid et distant, mère effacée, fille sacrifiée : Eugénie Grandet est aux yeux de l'artiste «le prototype de la femme qui ne s'est pas réalisée. Elle est dans l'indisponibilité de s'épanouir (...), prisonnière de son père qui avait besoin d'une bonne. Son destin est celui d'une femme qui n'a jamais l'occasion d'être une femme».
Faussement désuètes, parodiquement appliquées, subtilement ironiques, ces seize compositions qui évoquent la solitude, le vieillissement, la frustration, l'effacement offrent aussi une célébration de la patience féminine, dans tous les sens de l'expression.
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