Le dico de mon père

Roman étranger

Nous nous souviendrons toujours de cet été là. A sept heures du matin, il faisait déjà une chaleur terrible. Une fois maman partie à l'usine, mon père fermait les persiennes de la cuisine pour que l'air torride n'entre pas et pour que les voisins ne nous voient pas. Son ennuyeuse maladie avait déjà atteint un stade assez grave, même si nous ne nous en rendions pas tout à fait compte...

La cuisine était l'unique pièce de la maison dans laquelle on ne risquait pas de suffoquer. Papa s'asseyait devant la table, ouvrait un vieux périodique, pris dans la bibliothèque de l'entrée et, allongeant un index, il commençait à lire. A sa droite il gardait le dictionnaire Nazionale hérité, des années auparavant, d'un vieux grand-père.

Il était toujours en maillot de corps, parce qu'il n'avait pas de travail. Changer de vêtement était, pensait-il, l'activité de l'homme riche. Au dos de son Marcel jaune d'œuf il y avait une étiquette qui indiquait l'entreprise de production. Sous la mention «Confection Fumo», dont les caractères ressemblaient à ceux d'une enseigne de droguerie, on voyait un cigare toscan tenu par deux doigts pleins de gerçures. Papa conservait son Marcel la moitié de la semaine. Se rendant compte qu'il était si sale qu'il ne pouvait plus le mettre, il le retirait vite et le renfilait à l'envers. En général, il le portait à l'envers jusqu'au samedi soir vers onze heures. Arrivé à ce stade, alors que son odeur âcre s'était désormais diffusée dans toutes les pièces, il le retirait, une fois encore, et le jetait dans la cuvette des toilettes.