Le livre du potier

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construire un four grimpant à bois. Dans ce petit port de pêche pittoresque, prisé par les peintres à la fin du XIX^e siècle, Leach bute sur un problème de matières premières, une incompréhension du public comme des artistes, peu familiers avec l'esthétique Song ou celle du raku. A Potter's Outlook, un pamphlet publié en 1928, pose la question récurrente du rôle de l'artiste artisan à notre époque. Force lui est de constater qu'il faut produire pour vivre et qu'il faut faire les "pots nécessaires" et non inutiles. Leach se considère comme un designer et se réserve la décoration des pièces d'exposition. Le projet de Dartington d'établir une poterie domestique l'incite à repartir au Japon en 1934 pour reprendre contact avec le mouvement Mingei, conduit par Yanagi. En sa compagnie, il revient en Corée, sous domination japonaise, pour compléter la collection d'objets populaires coréens. Au retour, il se rend dans l'atelier de Hamada à Mashiko, où l'on tourne des pièces pour lui. Fêté et acclamé, sans soucis financiers, Leach reprend confiance.

Revenu en Angleterre en 1935, il laisse à son fils David le soin de gérer efficacement la poterie de Saint-Ives et s'installe à Dartington. Son amitié avec le jeune Américain Mark Tobey l'introduit à la foi bahaï, qui le fortifiera sa vie durant dans ses efforts à synthétiser les traditions spirituelles de l'Est et de l'Ouest. C'est aussi à Dartington qu'il trouve le loisir de rédiger le livre auquel il pense depuis vingt ans: A Potter's Book. Manuel technique et guide esthétique, il est publié en 1940 puis réédité en 1945, et sera rapidement considéré comme la bible des potiers. Leach voyage, donne des conférences, écrit, dessine. Secondé par Janet, sa troisième femme, il poursuit les activités de la Poterie Leach à Saint Ives jusqu'en 1972, date à laquelle il perd la vue. Il meurt en 1979, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, ayant annoté l'édition de poche du Potter's Book parue en 1976.

Publié pour la première fois en 1940, ce livre désormais célèbre fut le premier traité à être écrit par un céramiste sur les traditions d'atelier transmises par les Coréens et les Japonais à partir de la très grande période des céramiques chinoises de la dynastie des Song. Il traite de quatre types de poterie, le raku japonais, la poterie vernissée anglaise, le grès, et la porcelaine orientale. L'étudiant céramiste apprend à adapter les recettes des pigments et des glaçures ainsi que les modèles de fours aux conditions locales. Une image vivante de l'atelier est donnée par la réalisation d'une fournée de pots, du début jusqu'à la fin, et la position du céramiste indépendant, ou artiste, à l'âge industriel est abordée.

Destiné à l'origine aux artisans et aux étudiants, cet ouvrage est d'une grande valeur pour tout amateur de céramique et pour ceux qui sont intéressés par les relations culturelles entre l'Est et l'Ouest. Son intérêt dépasse en effet le domaine technique en manifestant un esprit élevé sans cesse préoccupé d'éthique et d'esthétique, orienté par les exigences universelles quand "l'art est un abrégé de l'expérience de la vie".

Toujours disponible en anglais, il a été traduit en japonais, allemand, néerlandais, suédois, espagnol et français.