Quais des bananes : des ports, des hommes, des navires

Le 13 octobre 1913, un vapeur norvégien, Kristine, livre à Dieppe une première cargaison de bananes, 4.528 caisses de ce fruit de luxe, inconnu du grand public, sont déposées sur les quais, en fort piteux état d'ailleurs. Chargées aux îles Canaries, à Santa-Cruz de Tenerife, elles sont pratiquement toutes pourries lorsque les pionniers de son importation ouvrent les caisses.

Un peu plus de vingt ans plus tard, l'hexagone se tourne vers "nos vieilles Antilles", la Martinique et la Guadeloupe. Une taxe de 0,15 franc par kilo de provenance étrangère, destinée "à l'encouragement de la production des colonies françaises", l'y incite d'ailleurs fortement depuis 1928.

Dès lors, les îles deviendront le premier fournisseur de bananes et Dieppe enregistrera des tonnages "record", jusqu'en 1981 et l'évasion de ce trafic vers le port du Havre.

"Quais des Bananes", basé sur les témoignages de ceux qui ont fait de Dieppe le premier port bananier d'Europe, ainsi que sur les souvenirs des marins embarqués à bord de navires où le seul mot d'ordre était "Tout pour la banane", retrace cette épopée, des débuts - timides et parfois décevants - à la mise en service de navires taillés pour la vitesse, conçus pour ramener au plus vite le "fruit d'or" en métropole.

De "l'ère des pionniers" aux "femmes du port", ce livre montre également comment un port, et avec lui toute une ville, ont pu être modelés par la création, puis le développement de ce trafic.

Illustré de photos spectaculaires et souvent inédites, l'ouvrage est basé sur le "voyage" d'un bananier vers les Antilles, où il va charger la précieuse cargaison. A bord, le "Pacha", les mécaniciens, électriciens, frigoristes et matelots, évoquent leur carrière, leur mission, la difficulté de leur tâche, de l'éloignement... L'absence. Parvenu à destination, le lecteur rencontre des planteurs qui lui présentent leur vision des choses, les débuts et l'évolution de la production, ses contraintes, la nécessité d'adapter les outils portuaires, les cyclones. C'est ensuite le retour vers Dieppe. Ou Rouen, Le Havre, qui ont eux aussi installé leurs "Quais des Bananes".

Le pilote, les remorqueurs attendent le bananier. Ils l'amènent à quai, où les dockers se préparent déjà à le prendre d'assaut, "à l'abordage". Un important chapitre détaille les conditions d'engagement, de travail et de rémunération, le statut et les revendications de "l'armée des rats de quai".

La liste des navires fruitiers ayant fréquenté le port de Dieppe, enrichie d'un historique pour chacun, de photos et d'anecdotes, fournira une sérieuse base de documentation aux passionnés d'histoire maritime. Cette section de l'ouvrage a été assurée par Pierre Lefebvre, ancien marin au commerce et à la pêche, expert maritime reconnu sur le plan international, actuellement en charge, dans un collège d'experts, de l'affaire de l'Erika.