Le livre fait par force

Lire le Dix-huitième Siècle

« Faites-nous un livre ou nous allons vous casser la tête », c'est ainsi que s'écriraient tous les livres, selon l'auteur de ce pamphlet paru en 1784 dans le Berlin du concours sur l'universalité de la langue française et de son lauréat si décrié. Derrière la fable, se cache une réalité : l'auteur, le pauvre auteur est devenu le jouet des modes et des habitudes. Il ne crée plus et doit se contenter d'appliquer des recettes. D'artiste, il est devenu un artisan besogneux qui tente de sauver les apparences en se donnant des airs et il concocte dans son « atelier » ce que le public, les libraires et les lois du marché imposent : le livre comme objet, comme « produit », peu importe le contenu réel. Le livre fait par force est une satire mais aussi une profonde discussion sur l'avenir du livre et de la culture à une époque où les certitudes s'effondrent et où il devient difficile de louvoyer entre le Charybde d'une certaine sclérose classique et le Scylla de la nouveauté à tout prix. Par son ton, par son propos, par la trame romanesque qui lie les différents épisodes, il est écrit, avec humour, dans la droite ligne de Tristram Shandy ou de Jacques le Fataliste. Un tel livre étonnant et méconnu méritait de sortir de l'oubli où il dort depuis plus de deux siècles car il constitue un curieux document pour l'histoire de la pensée.