Montaigne, libre et fidèle

Montaigne, c'est du vif-argent. L'érudition a tenté vainement de le faire poser - ne bougez plus - pour une figure d'ancêtre précurseur (il serait sceptique, anticolonialiste, rebelle au fond). Mais l'auteur des Essais est trop complexe, trop agile pour se laisser encadrer ainsi.

Il est libre et fidèle. D'autant plus libre que solidement ancré dans ses fidélités à la religion catholique et au roi. Méfiant à l'égard des nouveautés qui ruinent la France de son temps, et plein d'audace quand il rêve de rénover la justice, ou qu'il juge la pédagogie et la médecine en usage.

Ce petit livre essaye de décrire son attitude devant les trois grands chocs du XVI^e siècle : la découverte du Nouveau Monde, une vue nouvelle de l'Antiquité et la rupture de l'unité chrétienne, avec la guerre civile qui s'ensuit. Une période commence alors, qui peut se résumer par l'humanisme et l'individualisme. Nous en vivons la fin. D'autres chocs s'annoncent - manipulations génétiques, regain des civilisations exotiques, et encore l'assaut contre le Christ. La fréquentation de Montaigne peut nous exercer à y faire face : il reste l'un des canaux de communication les plus sûrs avec la sagesse antique et chrétienne.