Loft story ou la télévision de la honte : la téléréalité exposée aux rejets

Loft Story ou la télévision de la honte

La téléréalité exposée aux rejets

Au printemps 2001 a été diffusée Loft Story, la première émission de téléréalité en France. Elle a connu immédiatement un immense succès public tout en faisant dans le même temps l'objet de très violentes critiques. En quelques jours, un front commun s'est constitué contre Loft Story, regroupant accusateurs de tous bords : des journalistes, des enseignants, des philosophes, des psychanalystes, des juristes, des syndicalistes, des religieux, des politiques... Mots après mots, articles après articles, ils ont produit un discours de dénonciation largement diffusé dans une presse quotidienne et hebdomadaire qui s'est rapidement emparée du phénomène. Ils ont véritablement constitué l'émission et sa diffusion en scandale majeur du début du troisième millénaire, et ils ont vu en elles la preuve et le symbole d'un monde en perdition.

Gabriel Segré propose le récit de la diabolisation de ce programme TV et de la construction de son infamie. Il rend compte de la très grande variété des accusations portées à son endroit, et de la multiplicité des crimes que lui ont imputés ses contempteurs. Mais au-delà de ce seul objectif, il met au jour le récit intellectuel et savant de la fin de notre ère, le témoignage de la fin d'un monde, par ceux qui trouvent tribune d'expression dans les grands quotidiens nationaux. L'analyse du rejet de Loft Story montre en effet que celle-ci a cristallisé tous les grands maux de notre société et catalysé toutes les craintes, toutes les angoisses d'une époque. Bien davantage que la seule diabolisation d'un programme de télévision, c'est un discours sur un monde en mutation qui s'est tenu. Les contempteurs du Loft nous disent qu'un monde disparaît et qu'un autre, médiocre, barbare et impitoyable, est en train de naître, des cendres du précédent.