Elégies de bierville

Le 5 avril 1938, le général Franco abroge le statut d'autonomie de la Catalogne. Alors que les troupes franquistes s'approchent de Barcelone, Carles Riba, le 14 janvier 1939 passe la frontière avec Antonio Machado. Le 26 janvier, Barcelone tombe.

Riba est accueilli par Marc Sangnier (1873-1950) au château de Bierville, près d'Étampes. Fondateur du journal Le Sillon et pionnier en France des Auberges de Jeunesse, il y a organisé des camps de la paix rassemblant des milliers de jeunes français et allemands. L'un des chefs-d'oeuvre de la littérature catalane naît donc au domaine de Bierville qui passera, après la mort de Sangnier, à la CFTC pour devenir aujourd'hui centre de formation syndicale de la CFDT.

Une première édition clandestine des « Elegies de Bierville » est datée de « Buenos Aires, 1942 » puis une deuxième, revue et augmentée, datée de « Santiago-du-Chili, 1949 ». Ce n'est qu'en 1951 que les Élégies pourront paraître officiellement en Catalogne - et ce n'est qu'aujourd'hui qu'elles paraissent enfin en français.

Né en 1893, Riba a connu les vicissitudes des pionniers du mouvement national catalan. Brillant polyglotte et helléniste, il a traduit dans sa langue aussi bien Homère, que Hölderlin, Poe ou Kafka. À la fin de sa vie, il était le plus prestigieux représentant de la culture catalane en Espagne.

Dans ses douze Élégies transparaît son immense culture, mais surtout le drame de l'exilé face au désastre imposé à sa terre. Elles témoignent aussi dans cette situation désespérée d'une expérience spirituelle intense, de « moments d'une joie ineffable ». Écrites alors que la barbarie déferlait sur l'Europe, ces Élégies sont un magnifique acte de résistance contre les totalitarismes et les intégrismes religieux : « Vous arriverez sans moi à la patrie qui attend, élégies : / de douleur à douleur, l'impatience vous élance » (Dédicace).